Des états dépressifs plus fréquents en Ehpad
De manière générale, l’état de santé psychologique est bien meilleur lorsque les personnes continuent de vivre dans leur propre maison. Chez les seniors vivants en établissement spécialisé, près de 18% d’entre eux déclarent souffrir de dépression. C’est deux fois et demi plus que chez les personnes qui vivent chez elles. Ces chiffres, comme le précise la Drees, sont probablement sous-estimés puisqu’ils se fondent sur les déclarations des personnes concernées, ce qui suppose que ces dernières aient pleinement conscience de leur dépression et qu’elles puissent la qualifier comme telle. Autre indicateur inquiétant du niveau de mal-être, une personne en Ehpad sur deux consomme des antidépresseurs, contre une personne âgée résidant à domicile sur sept. Surtout, un tiers des résidents d’Ehpad sont en situation de «détresse psychologique», contre un quart des plus de 75 ans vivant à domicile.
Le sentiment d’isolement nourrit la détresse psychologique des personnes âgées
Une fois ce bilan dressé, la Drees a tenté de comprendre pourquoi les personnes résidants en Ehpad souffraient psychologiquement. Parmi la myriade de raisons possibles, trois variables ont retenu l’attention des chercheurs: l’état de santé, la fréquence et la qualité des relations sociales. Comme le note le rapport, «le sentiment d’isolement, la qualité de la relation avec les aidants, le fait d’avoir des amis au sein de l’établissement et la capacité à nouer des relations» participent du bien-être des personnes âgées. Ainsi, 24% des résidants n’ayant aucune difficulté à nouer des liens sont «en état de détresse psychologique», contre 64% chez ceux qui peinent à en nouer.
Les relations sociales avec l’extérieur, que ce soit la famille ou les amis, sont également déterminantes. Sur ce point, la Drees montre que le bien-être n’est pas indexé à la fréquence objective des visites, mais plutôt au sentiment subjectif d’être bien entouré. Plus les personnes âgées sont satisfaites de la fréquence à laquelle elles voient leurs proches, moins leur état de santé psychologique se dégrade. À l’inverse, le sentiment d’isolement nourrit une profonde détresse psychologique chez ces mêmes personnes. Pour cette raison, la Drees constate que «les résidents qui n’ont ni amis ni famille ont en moyenne un […] bien-être plus élevé que ceux qui déclarent vouloir voir leur famille ou leurs amis plus souvent».
Un mode de vie contraint
Malgré ces différences en termes de bien-être, la Drees indique que ces écarts s’expliquent «en partie par le fait que la dégradation de l’état de santé de ces personnes est la cause majeure de l’entrée en établissement». Autrement dit, ce ne sont peut-être pas tant les conditions de vie en Ehpad qui expliquent la détresse psychologique des personnes âgées. C’est plutôt la dégradation de l’état de santé des personnes à l’approche de la mort qui justifie leur placement en établissement spécialisé.
Surtout, le mal-être de ces personnes en fin de vie se comprend lorsqu’on appréhende l’entrée en Ehpad comme un choix souvent contraint: 91% des résidents déclarent y entrer en raison de leur état de santé ou de leur âge. Dans 20% des cas, c’est le manque de disponibilité des proches qui motive l’entrée en établissement spécialisé, et dans 9% des cas l’isolement social. L’Ehpad est alors perçu comme un nouvel environnement auquel il faut s’acclimater, bien souvent «le dernier lieu de vie de la personne». Enfin, comme le note le rapport, le décès d’un conjoint est parfois la cause du placement en Ehpad. L’espérance de vie des hommes étant plus courte que celle des femmes, trois quarts des résidents sont des femmes et 73% d’entre elles sont veuves. La perte du conjoint, couplé à un bouleversement complet du cadre de vie, endeuille de manière durable ces personnes âgées.