Le syndrome de glissement a été décrit en 1956 par Jean Carrié, dans sa thèse de médecine.

Partant de ses observations dans un hospice pour personnes âgées, ce gériatre remarque que certains processus de fin de vie s’apparentent à un « glissement », une sorte de « processus d’involution et de sénescence porté à son état le plus complet ».

D’autres médecins ont ensuite précisé le propos. À l’instar d’Yves Delomier, qui lors du 4e congrès international francophone de gérontologie, en 1990, en donne une définition plus restrictive.

Selon ce gériatre, un tel syndrome spécifique de personnes âgées, fragiles et polypathologiques, marque un état de grande déstabilisation somatique et psychique d’évolution gravissime. Il y voit une décompensation aiguë (infectieuse, traumatique, vasculaire, chirurgicale, choc physique, etc.) qui fait suite à un facteur déclenchant physique ou psychique – ici le Covid-19, maladie fragilisante en elle-même et ayant qui plus est imposé des mesures de confinement pouvant être vécu de la part des personnes âgées comme un abandon familial.

Séparé de sa mère et manquant d’affection, le tout jeune enfant peut en effet sombrer dans état dépressif décrit en 1945 par le psychanalyste René Spitz et qualifié d’hospitalisme. Or de quoi s’agit-il ? De bébés qui, privés de lien affectif, se mettent à pleurer, à rester en retrait et détachés, avant de maigrir, d’être sujets aux infections, puis de voir s’altérer leur développement psychique et moteur : après cinq mois de carence effective, le développement s’arrête et les troubles peuvent conduire au décès.
Les analogies sont nombreuses. Chez le bébé victime d’hospitalisme comme chez la personne âgée souffrant du syndrome de glissement, les manifestations cliniques sont à la fois comportementales et somatiques, et les symptômes marqués par la passivité et le retrait, rendant les soins difficiles. Qui plus est, dans les deux cas, on note au départ l’alternance entre des phases d’apathie et d’agitation, et la succession de phases de détresse, puis de désespoir et enfin de détachement.
À l’évidence, les antidépresseurs ne sont donc en aucun cas suffisants. Il faut bien davantage pour retrouver le chemin de la vie. La prise en charge se doit en effet d’être médicale, infirmière, diététique, physiothérapique et psychique. Avec aussi et surtout, des mots doux, des caresses, des paroles tendres et affectueuses, et tout simplement les visites des personnes aimées… ce qui est malheureusement difficile à mettre en musique, en temps de Covid-19.